Nous sommes au début des années 90, et, très étrangement, j’avais la conscience d’une unité de cette époque. Peut-être parce que j’avais été à Berlin avant, et que cette ville alors hors du temps, facilitait ce sentiment d’unicité et de cohérence.

J’ai mis plus d’une semaine avant de pouvoir faire des photos dans les rues de New York. La ville était trop forte pour moi. Il me fallait un événement me permettant d’entrer en elle.

En attendant, je faisais des photographie « comme Wolfgang » en faisait chez lui à Berlin. L’appartement très dépouillé, se prêtait bien à ce genre d’exercice.

Mon co-locataire dealer dont je me méfiait à juste titre avait quand même la capacité de créer des atmosphère intéressantes. Ses lunettes notamment qu’il laissait trainer me fascinaient.

Il y avait, chez les uns et les autres, un dépouillement propre à la pauvreté qui finalement nous obligeait à sortir de chez nous. Cela nous empêchait de nous charger du matériel et faisait que le plus important était de nous retrouver régulièrement pour discuter, faire des photos ou aller boire une bière.

Steven m’avait laissé sa chambre dont j’avais payée le loyer pour lui. Il vivait chez les uns et les autres en attendant et nous nous retrouvions régulièrement chez lui ou chez sa fille.

Bon cuisinier, il survivait en faisant à manger de la cuisine italienne pour des amis. Il m’a ainsi appris « la pasta » que je continue de faire en pensant à lui.

Steven était poète et « écrivait » dans sa tête, ses poèmes en marchant autour des parcs.

Ensuite, il me les chantait sur le toit de l’immeuble du East Village East 11th Street, Avenue B.

Steven avait un ami, Jason.

Jason était étudiant en cinéma. Il en parlait beaucoup. Mon anglais ne me permettait pas de comprendre toutes les références qu’il citait quand il parlait. Un our il est arrivé à l’appartement avec un projecteur de film super8 et nous avons projeté un vieux film sur le mur d’en face, celui qui avait une fenêtre par laquelle j’apercevais parfois une jeune femme qui se déshabillait parfois la nuit…

J’avais entendu dire que Robert Frank habitait à quelques rues de chez Steven. J’y trainais donc dans les snacks et bars me disant qu’il devait bien avoir une vie de quartier et que je l’y croiserai peu être. Il n’en fut rien.

De même qu’Allen Ginsberg venait de sortir un livre de photos « Snapshot Poetics : A Photographic Memoir of the Beat Era » que j’avais acheté à Paris. J’adorais ce livre. Plusieurs fois, j’entrai dans une librairie pour m’apercevoir que la veille, il y était passé pour une séance de dédicace. Là encore, je ne le vis jamais, sinon quelques mois plus tard à Paris à la galerie Agnès B où il me dédicaça enfin « Howl » en 10/18.