Steven avait une vie un peu compliquée…

La mère de sa fille, italienne, cherchait à obtenir la nationalité américaine après avoir réussi à la faire perdre à Steven par amour. Maintenant, ils étaient séparés. Il était devenu un étranger aux yeux de son propre pays, n’avait pas assez d’argent pour élever sa fille qui restait avec sa mère entrée dans une secte étrange avec une colocataire nymphomane emmenant, chaque soir, de nouveaux partenaires dans sa chambre.

Alors, retrouver son ami Jason pour aller marcher dans la ville la nuit et rêver ensemble d’avenir meilleur était très important. Ils m’avaient emmené un soir, devant cette boutique, pour m’annoncer que c’était ici le centre du monde. Dans la vitrine, il y avait une lettre de félicitation pour la qualité de ses produits signée par Ronald Reagan.

Pendant ce temps, je marchais dans tous les sens dans Manhattan. Ayant dû payer la moitié du loyer de Steven, je n’avais plus que 5$ pour vivre par jour.

J’essayais de comprendre la ville sans trop y arriver. Il y avait une telle tension palpable dans l’air, une telle intensité, presque de la violence à laquelle je n’étais pas habituée que je ne savais quelle distance prendre face au monde qui m’entourait.

Malgré tout, le fait de pouvoir faire des photos de la vie de Steven, m’aidait à construire quelque chose.

C’est ainsi qu’est apparue la bagarre

Le colocataire de Steven faisait monter des toxicos dans l’appartement pour faire. ses ventes de produits. Et un soir en rentrant, je me rendis compte qu’il me manquait pour plus de 500 francs de films.

J’ai alors demandé à Benoit, l’ami belge qui m’avait fait venir à New York, de venir faire le traducteur afin d’éclaircir cette affaire. Le colocataire a nié être responsable du vol et quand je lui demandai aussi si c’était lui qui mangeait les œufs que j’avais mis dans le frigo, il m’envoya chier d’une telle manière que je me suis jeté sur lui pour lui casser la figure. Je le renversai par terre, lui maintenant la tête au sol par les oreilles. Il hurlait qu’elles allaient se décrocher. Mes amis m’attrapèrent et m’emmenèrent boire une bière dans un pub.

Je craignais mon retour dans l’appartement. Ma chambre n’avait pas serrure. Je me disais qu’il allait venir se venger et me tuer pendant la nuit.

Il n’en fit rien. Et à partir de ce jour, son comportement envers moi changea complètement. Il faisait tout pour se rendre agréable et nous nous quittâmes presque amis à la fin de mon séjour. D’autre part, je me mis enfin à faire des images frénétiquement et à rattraper le temps perdu des premiers journées stériles.

Benoit me dit : « Tu as enfin compris New York. C’est une ville dure, il faut entrer dans la bagarre pour la comprendre ».

Steven continuait d’écrire. On se retrouvait au Reggio Café. Je lui offrais les consommations.

Puis je repartais marcher et traquer les signes de cette ville, des bouts de vies, des traces du mythe.

J’allais aussi chez le voisin du dessus. Un américain qui avait vécu à Paris et en était tombé fou amoureux. Comme il gagnait pas mal d’argent, il pouvait permettre à son compagnon d’essayer de percer dans la mode. Leur appartement était un véritable atelier de couture.

Agnès a pu me rejoindre depuis Paris et un nouveau cycle commença.

Je lui montrai tous ce que j’avais déjà vu et me rendit compte que c’était pas si mal.

Elle était belle et nous étions amoureux. Ensemble à l’autre bout du monde.