À l’approche de la ville, on survole de grands espaces de terre noire et nue. On se demande si une ville peut être là, tant l’espace est vide.
Le taxi, glisse sur de larges avenues, passant de bretelles d’autoroutes à des immeubles brejnéviens, puis staliniens et enfin la ville du XVIII° siècle.
L’atmosphère feutrée du taxi, aux vivres teintées, donne un sentiment d’irréalité comme souvent dans un décor nouveau et démesuré.
Il ne fait pas trop froid pour la saison. Rapidement nous posons nos affaires et allons sur la place du Palais avec la colonne Alexandre, devant le Palais d’Hiver ou se trouve le musée de l’Ermitage.
Nous assistons aux préparations des cérémonies du 9 mai 1945 ainsi, vraisemblablement au tournage de scènes d’extérieures d’un film porno avec une mariées et ses demoiselles d’honneurs forts peu vêtues… La jeune fille en bleue était pratiquement nue sous son manteau et que la jupe rouge de l’autre remontait suffisamment pour découvrir sa culotte.
Rapidement, je comprends qu’il n’y a pas de grand cafés comme je l’aurais imaginé pour une capitale européenne.
On a parfois l’impression de ne pas être là. C’est à dire qu’il n’y a pas nos interactions habituelles dans les rues ou les espaces publiques. Je pouvais photographier frontalement les gens en traversant les rues sans qu’aucun ne regarde l’objectif, même de manière subreptice.
Les contacts avec les étrangers semblent être du strict nécessaire. Même dans les boutiques, il est parfois difficile de se faire comprendre pour des choses simples, par mauvaise volonté manifeste.
Nous allons dans la cathédrale de Notre-Dame de Kazan pour voir les préparatifs de la Pâque orthodoxe.
La ferveur des croyants se manifeste de manière plus forte qu’en France.
Ils font la queue pour embrasser une icône. Une vieille dame en noire passe un chiffon de temps en temps. Par hygiène ou pour faire briller les dorures du cadre ?
Dès qu’on sort des églises sombres remplies de vieilles personnes, on retrouve la lumière propre aux villes de bord de mer avec des jeunes femmes biens habillées.
Contrairement aux hommes mal fagotés qui se détachent rarement dans la foule.
Étrangement, on a la sensation que la vie est du côté des femmes. Comme si l’injonction à la beauté que les sociétés masculines leur demandaient ne profitait désormais plus qu’à elles-mêmes.
Le gros problème de l’alcoolisme des hommes russes me revient. Se réveillant sans le Petit Père des Peuples après la chute de l’URSS, comme d’une cuite de l’Histoire, ils sont désormais perdus.
Se dessine alors une série d’oppositions : les hommes ternes et renfermés face aux femmes luisantes et décidées , les églises sombres et remplies de vieux statiques contre la rue lumineuse où marchent des jeunes, la flamboyante architecture de la ville et l’organisation mafieuse et fascisante de la politique de la Russie.