Les concerts n’ont pas lieu tout le temps, il existe de longues plages horaires pour se reposer, aller manger ou assister à des ateliers.

C’est surtout au moment de manger que la question des hiérarchies sociales réapparait discrètement. Si on n’y prête pas attention, on ne voit jamais de circulation d’argent. Les échanges sont rapides, sans négociation. C’est à prendre ou à laisser. De toute manière, il est impossible d’acheter à manger en dehors du périmètre du festival. Bref, il vaut mieux faire partie de la classe moyenne supérieure pour bien profiter de la fête.

Les œuvres recyclées sont colorées et amusantes. Recycler, c’est cool. On peut donc continuer à boire des bières industrielles dans des canettes en aluminium et des sodas chimiques dans des bouteilles en plastiques, on en fera ensuite de belles guirlandes.

Il y a des ateliers de yoga, de massages, de méditation, de bien être pour vous ressourcer, vous retrouver, découvrir quel est votre animal totem, votre constellation astrale afin de vous dépasser, d’atteindre un nouveau stade, progresser…

Nulle compétition bien entendu, juste le fait que tout dépend de vous : votre santé physique ou psychique, vos rapports avec les autres et le reste du monde, l’agressivité ou la chance qui vous entour.

On baigne dans un bonheur capitaliste spirituello-écolo. Ça permet ensuite de retourner dans le monde, dans sa vie de tous les jours, en pestant juste sur le fait que l’on ne peut pas prendre autant de drogue qu’on le souhaiterait pour prolonger la fête chez soi.

Il y a à la fois la quête d’hyper-individualité dans un collectif qui se veut relié à la nature ainsi qu’à l’univers. On est en plein dans la bouillie new-âge. C’est beau, c’est fun et ça reste capitaliste.

Le soir, on dit bonsoir au soleil, on prend ses derniers rayons comme un don immense.

Personnellement, j’atteins la saturation. Une forme de claustrophobie et d’agoraphobie combinée. L’injonction au bonheur me dégoûte. Je deviens cynique. J’ai envie de foutre le bordel.

Je commence à comprendre pourquoi le mouvement hippies, qu’enfant j’ai adoré, semblait si exaspérant pour certains, et pourquoi le punk, dont je me rapproche avec le temps, a pris la suite. On est donc partie avant la fin.

Peut-être qu’en fait, je ne supporte pas de devoir arrêter de penser et de réfléchir au monde. Ce qui me dérange est le discours pseudo-écolo, basé sur l’égoïsme individuel et non l’humanisme désintéressé. Aussi, le fait qu’il faudrait justifier l’envie de faire la fête. Cela introduit l’idée qu’il y a de bonnes fêtes écolos et de mauvaises fêtes populaires.

L’écologie sans politique est du jardinage.