Nous allons au marché de la Boxhagenerplatz avec Arne. Ce marché faisait parti du rituel avec W où nous retrouvions Arne et une autre amie pour boire un excellent café qui d’ailleurs cette fois-ci était servi par une jeune française qui avait mon âge lorsque j’ai découvert cette ville.

L’enchevêtrement des souvenirs : Angela Davis était le surnom que l’on m’avait donné en raison de mes cheveux

Superpositions des époques : les Stolpersteine (« pavés de la mémoire » de l’artiste Günter Demnig) rappelent les noms des habitants déportés par les nazis aux pieds des immeubles où ils logeaient.

Effacement des époques : l’étonnement de voir encore une de ces façades d’immeubles (souvent récemment évacués), dernières traces de ces centaines de squats qui émaillaient la ville.

Résurgences des temps passés : sur le tronc d’un arbre mort, le symbole d’un pays qui ne veut pas disparaitre comme l’empire qui l’étouffait précédemment.

Le cinéma du coin de la Boxhangener Straße et de la Niederbarnimstraße qui a traversé le XX° siècle, dont 40 ans en RDA.

Le petit café de la Niederbarnimstraße où nous aimions prendre un café avec W.

Ce matin il faisait froid mais avec une très belle lumière, ce soir il neige. Du coup, nous ressortons pour une deuxième journée à marcher encore et encore des heures.

L’autoportrait dans la salle de bain aux couleurs murales inimitables.

La Kollwitzplatz qui, pour Wolfgang, était le miroir de la Chamissoplatz, juste après la chute du Mur, devenu un boboland tout comme la Bergmanstraße.

H prenait des cours de danse pas très long et m’emmena sur cette colline avec nos vélos. C’était aussi un lieu de torture durant la période nazie. Cela me donne le sentiment qu’il sera toujours difficile, pour moi, de ne pas lier le passé et le présent avec les craintes de l’avenir. Il n’y a pas de quiétude, jamais, ni dans le monde, ni dans la vie sentimentale.

J’aime ces traces d’occupation de la ville. Tous ces dons (Give Box), ces partages qui vont des fringues aux livres ou de la vaisselle à une cueillette de cornichons. J’ai encore une théière à Avallon que j’avais offerte à W.

Les souvenirs s’effacent inexorablement et disparaissent totalement avec nous.

La Oranienstraße fut une de mes rues préférées en 1989. Nous venions, avec Pierre, finir nos nuits, de bar en bar avant de tenter d’éponger tout ça avec un kebab.

J’ai longtemps essayé de retrouver le café Anton, et je en suis toujours pas certain qu’il était à cet emplacement là.

Ce café est devenu un de mes préférés pour son espace et le fait qu’il soit en hauteur par rapport à la rue, ce qui en fait un très bon poste d’observation.

J’ai photographié W, avec ce fond d’immeubles, qui faisait le clown et finit par retraverser la rue pour venir m’embrasser.

On retourne dans le Kreuzberg 61, le quartier de mes 20 ans, là où je suis né à moi-même.

Daniel a fait son service militaire, presque ne même temps que moi, mais lui est resté vivre à Berlin, ce que j’aurais dû faire. Il y a chez lui une pointe de nostalgie qui fait écho en moi. Lui aussi a été avec W.

Le resto du soir est un pizzeria qui fut le café Locus où j’ai découvert les musiques de Midnight Oil en 1989.

Je cherche une reconnaissance, une légitimité à vivre dans cette ville. J’ai cru qu’avec H ou W, je l’avais trouvé, qu’à travers elles, je pourrais rester et vivre d’amour et de Berlin.